Azeroth Adventurers' Chronicles
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 Simine - Les aventures d'une gnome dans un monde de grands

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Laedera
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Laedera


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Simine - Les aventures d'une gnome dans un monde de grands Empty
MessageSujet: Simine - Les aventures d'une gnome dans un monde de grands   Simine - Les aventures d'une gnome dans un monde de grands EmptyLun 7 Oct - 13:41

Simine - Les aventures d'une gnome dans un monde de grands Screen46

- Le maillon faible -

Ça chauffe.
Ça siffle.
Ça s’agite.
Le prof crie, je panique, je recule.
Boum !
Plus moyen d’entendre ni de sentir quoi que ce soit dans les secondes qui suivirent. A ce moment, je peux seulement voir que je suis propulsée en arrière, et que ma machine explose dans une pluie de boulons et de pièces métalliques. Avant de m’écraser sur le sol métallique, j’utilise maladroitement ma magie, bien qu’à temps pour ralentir ma chute, ce qui fait que je peux au moins retomber sur mes pieds, même en chancelant. Puis je regarde ce que j’ai fait.
Le chauffe-pièce sur lequel je travaillais n’était plus qu’un tas informe de plaques de cuivre, noircies par l’explosion et tombant pitoyablement sur le sol. Des jets de vapeur s’échappent du cadavre agonisant de la machine, avant un dernier couinement indiquant que sa courte vie (d’une durée approximative de vingt minutes) venait de prendre fin. Depuis son estrade, l’instructeur me regardait avec colère, ses cheveux et sa barbe tout ébouriffés, le front plein de sueur.
- Tournevrille ! hurla-t-il. Ça fait le troisième prototype que vous explosez cette semaine ! Il faudrait quand même arrêter un peu, ou vous voulez priver les autres apprentis de sujets d’expérimentation ?!
- Désolée, m’sieur, répondis-je timidement. Je crois que c’est la magie qui a déréglé le régulateur.
- Quelle magie ? De feu, encore ? Mais combien de fois devrai-je vous répéter que vous ne devez pas l’utiliser pour les machines à moteur, ça fait sauter tout le carburant ! Encore un miracle que vous surviviez à toutes vos fichues explosions, Tournevrille !
Autour de moi, je pouvais déjà entendre les sempiternels rires de mes jeunes camarades, toujours à répéter la même sentence : “Simine la gobeline !”. Mais je n’étais pas une gobeline, j’étais une gnome. Ce n’était pas parce que je faisais exploser des appareils lors des cours qu’ils devaient à chaque fois m’affubler de ce surnom insultant ! Quoique, et si j’étais vraiment une gobeline, qu’un sortilège mal calculé ou une potion mal dosée avait changée en gnome ?
“Non, ne pense pas à ça Simine ! Si c’était le cas, tu ferais tout sauter volontairement.”
Ma petite voix devait quand même avoir raison. Je n’y étais pour rien si les machines que je construisais... que j’essayais de construire avaient la mauvaise habitude de m’exploser au nez. Tout ce que je voulais, c’était faire quelque chose d’innovant, de spectaculaire, que mes parents soient fiers de moi. Qu’ils puissent dire : “Ça, c’est l’oeuvre d’une vraie Tournevrille”, comme ils avaient l’habitude de le dire à mes frères et soeurs avant moi, dont tous avaient eu leurs diplômes à l’école supérieure d’ingénierie ou y étaient inscrits et figuraient dans le peloton de tête du classement. Hélas, il semblerait qu’il y avait eu un défaut de conception lorsque maman était enceinte de moi. Je n’étais pas aussi douée que les autres de la fratrie. Pas dans l’ingénierie en tout cas. J’avais comme seule consolation d’avoir un don pour la magie quand les autres n’en avaient pas, mais, à mon grand dam, nous étions une famille d’ingénieurs, pas de Mages.
Et si j’étais la seule à échouer lamentablement mes créations mécaniques, ou bien à ne faire que des trucs banals et tellement simples que même un humain pourrait reproduire sans grands efforts, tout cela n’était dû qu’à ma mauvaise volonté.

La sonnerie retentit, et je dus rester dans la salle pour nettoyer mon monstrueux massacre. Dès que le prof fut aussi parti, après m’avoir ordonné de rester, j’utilisais ma magie pour débarrasser tout le bazar bien plus vite qu’à la main. Sauf que sans entrainement, j’obtins pour seul résultat que les objets que je voulais faire léviter allèrent percuter d’autres machines, certains s’enflammèrent tous seuls et faillirent mettre le feu au laboratoire. Je pus limiter les dégâts en utilisant une magie de givre bafouillante, qui finit par se transformer en blizzard et ensevelir le fond de la salle sous une épaisse couche de neige.
- Le prof va me tuer... , soupirai-je en constatant la catastrophe.
Maintenant, j’avais vraiment peur. Est-ce que je devais vraiment rester ici, au risque que le prof ne revienne et ne me hurle dessus à cause de ma maladresse, ou devais-je m’en aller pour éviter la tempête ? Je choisis de rester. De toutes façons, l’instructeur verrait le massacre, et s’il ne me trouvait pas sur place pour me sermonner, il en parlerait à mes parents, qui se chargeraient de me faire la leçon lorsque je rentrerais. Triple sermon, en plus : un pour avoir échoué en cours, un pour avoir noyé les prototypes sous la neige, et un pour m’être enfuie puérilement. Des éclats de voix retentirent alors dans le couloir, et je compris que j’allais me faire doublement gronder. Avec l’instructeur arrivait mon père.
Drustin Tournevrille était légèrement plus grand que la moyenne des gnomes, même si pour un humain ou un nain ça restait ridiculement petit. Son cerveau était tout aussi décuplé que sa taille, peut-être l’excroissance de l’un avait entrainé l’autre, du moins c’était ce que certains se demandaient. Il était un véritable génie, admiré de notre race. Quand j’étais bien plus petite que ce jour-ci, je lui portais énormément d’admiration ; hélas, plus il devint exigeant avec moi à force de constater que sa dixième fille n’était pas aussi brillante que lui, sa femme et le reste de sa progéniture, plus j’appris en contrepartie à le craindre.
On me disait souvent que je lui ressemblais beaucoup. Moi, je trouvais ça exagéré. C’était mon quatrième grand frère, qui était son portrait craché, moi j’avais tout juste ses cheveux azur et ses yeux bleus. Les siens étaient d’ailleurs vifs et intelligents, et lorsqu’il avait une idée on aurait dit qu’ils se mettaient à scintiller comme ceux des hauts-elfes. Mais quand il s’agissait de moi, ils me scrutaient toujours avec dureté. Cette fois-ci, ce n’était pas bien différent. Puis il regarda l’état de la pièce et son expression changea lentement.
Je me tordais nerveusement les mains, préparait mes oreilles à endurer la tempête de vociférations qui devrait provenir des deux adultes. Pourtant, cela tarda à venir. L’instructeur était sans cesse en train de bégayer “Maimaimaimais, qu’est-ce qui s’est passé ?” pendant que mon père regardait, bouche bée, l’amas de neige qui avait englouti les machines. Finalement, il reporta son attention sur moi.
- Simine, c’est toi qui as fait ça ? demanda-t-il avec un ton qui trahissait un sentiment d’incrédulité.
Je hochais la tête, tremblante. J’attendais la sentence, m’efforçant de retenir des larmes qui menaçaient de couler de mes yeux. Mais non, il balaya une fois de plus la salle avec un air ébahi. Puis il réfléchit. L’instructeur, lui, était parti pour me faire un long sermon, quand mon père le prit par l’épaule et l’arrêta :
- Merci, Volkner, je m’en occupe maintenant.

A son invitation, je le suivis à travers les couloirs de Gnomeregan. Pendant qu’on suivait le chemin de retour vers nos appartements, des robots déneigeurs déboulèrent en toute hâte dans les couloirs, très certainement appelés pour nettoyer le laboratoire. Mon père ne leur prêta qu’une attention vague, s’occupant uniquement de me demander comment s’était passé mon cours, puis essaya de me reparler schémas ingéniriques.
Sauf que, comme d’habitude, il aurait pu me parler en murloc que je n’aurais pas plus compris ce dont il voulait me parler. Je voyais bien la finalité du projet, mais impossible de saisir les concepts, les procédés, pas moyen de comprendre comment mener à bien le plan pour en faire une invention artisanale digne d’un ingénieur gnome. Comme d’habitude, il soupirait à chaque fois que je lui répétais cette même phrase : “Papa, je ne comprends rien de ce que tu racontes.” Mais cette fois-ci, il ne s’énervait même pas contre moi, pas comme d’autres fois où il s’imaginait que je faisais juste preuve de mauvaise volonté, et se lançait dans de grands monologues en se demandant si je n’avais pas atteint prématurément l’âge ingrat, bien que j’étais encore une enfant, et que j’étais à des décennies de l’adolescence gnome. Ce qu’il avait vu dans le laboratoire l’avait-il finalement convaincu que non, je n’étais pas un génie comme lui ?
Je sentis cependant que ce n’était pas le cas. Une fois de plus, lorsque nous rentrions chez nous, il me laissa quelques minutes pour manger un goûter, avant de revenir me chercher. Il ne me laissa même pas le temps de dire à ma mère que ma journée avait été une catastrophe, et m’emmena dans cet endroit que j’avais fini par détester, son atelier.
Plus précisément, un atelier dans un atelier. Après avoir manqué de faire sauter le prototype de son canon tir-O-tomatic, modèle géant, il m’avait construit un petit réduit dans le coin de sa fabrique, où je pouvais m’exercer à l’ingénierie sans risquer de démolir la grande pièce, et éventuellement toute la maison. Mon père m’y conduisit, et me laissa devant la pile de pièces détachées dans laquelle je pouvais piocher après qu’il m’ait donné la sempiternelle consigne de son exercice. Quoique c’était un peu différent cette fois.
- Simine, cette fois-ci, je te demande d’utiliser toutes les ressources de ton ingéniosité gnome pour fabriquer quelque chose. Quelque chose qui vienne de toi, ça peut être un truc complètement original, une amélioration, bref, construis quelque chose, qui tienne. Ce soir, tu nous montreras le résultat, quel qu’il soit. Il faut absolument que je puisse voir de quoi tu es faîte, c’est très important.
Il me laissa, seule, avec pour seule compagnie des monceaux de ferraille et quelques outils. Je restais un moment plantée face à l’entrée (qu’il n’avait pas verrouillée cette fois-ci, parfois il lui arrivait de le faire quand il était vraiment énervé et qu’il s’imaginait que d’être privée du monde extérieur réveillerait en moi des capacités d’ingénieur), retournant dans ma tête ce qui s’était passé cette journée. Puis je décidais d’essayer de réussir son exercice.

Une heure plus tard, j’examinais le bilan. Le lapin mécanique que j’avais essayé de construire en m’inspirant des schémas du poulet de même facture avait explosé tout seul après avoir fait trois bonds dans le réduit, mon idée de sac-fusées-d'élévation-à-dos (inspirée par les bottes à réaction des gobelins, je comptais plus en faire quelque chose de durable) avait failli marcher, jusqu’à ce qu’en faisant le test je découvre qu’après le décollage il y avait une fonction d’auto-destruction, qui détruisit la grosse roue dentée que j’avais utilisée comme test et fit un trou dans le plafond (heureusement, la roche ne me tomba pas sur la tête, mais j’eus une grosse frayeur en voyant la poussière tomber), la seule chose que je parvins à faire correctement fut une petite bombe.
Trois essais, trois tentatives minutieuses, deux échecs lamentables et pour seul succès la marque de mon seul talent : faire exploser tout ce que je touchais. Je me mis à sangloter, réalisant mon échec. J’avais tellement honte d’être le maillon faible de cette fratrie de génies, l’avorton de la portée, et de ne pas pouvoir y changer. Mes parents étaient des ingénieurs. Mes grands frères et mes grandes soeurs aussi, ou en passe de le devenir. Et moi, qu’étais-je à côté ? Une môme incapable de réaliser correctement le plus simple schéma, qui détruisait tout ce qu’elle bidouillait, et qui n’arrivait même pas dans les cours de rattrapage. Ce soir-là, Dustin Tournevrille, son épouse et ses enfants chéris devraient se rendre à l’évidence : Simine, la cadette, la dernière de la famille, avait un défaut de conception qui la rendait indigne de faire partie d’une aussi grande famille d’ingénieurs gnomes.
Pendant longtemps, je pleurais ainsi, imaginant tous les pires scénarios, allant de mon père me chassant de la maison, m’envoyant dans la neige de la surface, seule et avec de maigres provisions, jusqu’à moi essayant si bien de faire une invention brillante et remarquable que je finissais pas mourir dans une explosion, et toute ma famille se lamentait autour de mon corps, regrettant de ne pas avoir compris plus tôt que je n’étais pas destinée à devenir ingénieur. Puis une voix bien connue me tira de mon chagrin.
- Sim’ ! Tu ne viens pas jouer dehors ? On a besoin de toi pour la bataille de boules de neige.
Je me retournais. Mon meilleur ami, mon amour d’enfance, Musner, était dans l’encadrement de la porte. Fragile et délicat, il avait en contrepartie un esprit très vif et une intelligence grandement développée. Ses grands et magnifiques yeux violets me regardaient d’un air interrogateur, et ses cheveux noirs de jais étaient aussi en bataille qu’à l’accoutumée. Je ne savais pas qu’il y avait une bataille de boules de neiges à la surface, mais j’aurais bien aimé y aller, être avec le gnome en m’amusant, loin de ce petit atelier encrassé par des restes d’explosions et des cadavres de machines dont la durée de vie maximale ne fut que de quelques secondes. Hélas, je ne voulais pas m’en aller en n’ayant rien achevé de correct, vu que mon père m’avait demandé de lui rapporter quelque chose qui tienne. Et rien n’avait tenu, à part une misérable petite bombe. Et je savais que ça ne le contenterait pas.
“Un ingénieur gnome qui se respecte va au-delà des bombes !” m’avait-il déjà crié, après que je lui eus dit que je ne pouvais réaliser que cela.  “Sinon c’est un ingénieur gobelin !”
- Je suis désolée, Musner, répondis-je. Je dois finir mon travail avant de partir.
- Oh... Et qu’est-ce que tu dois faire ? Je peux t’aider ?
- Je... C’est gentil, mais je ne sais pas si mon père sera content d’apprendre que je me sois faite aider.
- Il saura rien, je l’ai vu partir de chez toi. Et j’ai croisé personne en venant, ni tes frères, ni tes soeurs, ni ta mère ne savent que je suis là.
- Je ne sais pas Mus’... Papa m’a demandé de faire quelque chose qui tienne, mais pour le moment je n’ai réussi qu’à faire ça (je lui montrai la bombe).
- Bah, c’est fait alors. Non ?
- Les bombes, ça ne lui va jamais. Il veut plus, toujours, soupirai-je.
- Mais ça va te prendre combien de temps pour finir alors ?
- J’en sais rien du tout. J’ai beau tout faire, tout ce que j’essaie en dehors des explosifs, ça explose ! Je suis pas une gobeline, j’y peux rien si tout explose à cause de ma magie ou parce que je comprend rien aux schémas !
- Mais non t’es pas une gobeline ! Allez, je t’aide, la dernière fois, t’étais pas là et on a perdu contre Fando et sa bande ! Toi t’es super-douée aux batailles de boules de neige, alors il faut que tu viennes !
Trop heureuse qu’il me propose son aide tout en me disant que je n’étais pas nulle (même si ça concernait un jeu et pas l’ingénierie, chaque fois que Musner me faisait un compliment je faisais un voyage express au paradis des humains, du moins un coin dans lequel on est sensé atteindre le bonheur parfait), et en plus alléchée par la perspective de sortir un peu tout en donnant une bonne leçon à un môme que je n’aimais pas, je le laissai fouiller dans les ressources et fis de mon mieux pour l’assister.
En fin de compte, c’était lui qui avait tout fait, et je ne pus que contempler avec admiration son travail, tout en louant un bon million de fois dans ma tête son ingéniosité. Mes petites mains tenaient une véritable innovation pour notre ère : une selle avec une échelle dépliable, grâce à un système activé par une petite télécommande qui pouvait aisément se ranger dans une poche. Nous qui ne pouvions pas monter sur les grands chevaux des humains ou les béliers nains sans devoir chercher une échelle solide, cela allait être très utile. Aucun doute qu’avec ça, mon père allait être content !
Oui, grâce à l’invention de Musner.
- Alors, tu viens maintenant ? me demanda-t-il avec enthousiasme.
Je hochais légèrement la tête, et il me prit la main pour m’entrainer dans les couloirs de Gnomeregan. Nous prîmes l’ascenseur pour monter à la surface, et assister à la fameuse bataille. J’humais l’air frais avec bonheur. Chaque visite à l’extérieur de la ville était source de joie pour moi, qui adorais être à l’air libre. Musner et moi rejoignîmes nos camarades, puis nous nous confrontâmes à la bande rivale de Fando. Pendant toute l’après-midi, les boules de neige volèrent en tous sens, avec quelques traits de givre mineurs qui faisaient mouche à chaque fois, et aidaient mon équipe à prendre l’avantage sur nos adversaires. J’étais tellement heureuse de ne plus être enfermée dans le réduit !
Grâce à l’invention de Musner.
Lorsque le crépuscule tombait, nous avions gagné. Le nez congelé par le froid, mais les joues réchauffées à force d’avoir ri, nous rentrions dans les profondeurs pour regagner nos maisons respectives. Mon ami ne cessait de m’encenser pour chacune de mes interventions, qui nous avaient permis d’emporter la victoire. Le voir si satisfait de moi valait tout l’or du monde. Mais un sentiment de culpabilité au plus profond de moi altérait ma félicité. Pourquoi ? Ce n’était quand même pas parce qu’il m’avait cédé son invention pour que je puisse aller jouer et que mes parents soient satisfaits de moi ?
Oui, c’était bien son invention. Pas la mienne.


- Remarquable ! s’exclama finalement mon père après avoir examiné sous tous les angles la selle-échelle que je lui avais rapporté de l’atelier.
L’invention de Musner.
- Tu vois bien que tu es capable d’inventer de belles choses, me dit ma mère avec un sourire bienveillant.
Et caetera. Mes parents étaient réellement fiers de moi, de “mon travail”. Même mes frères et soeurs me complimentaient, commentaient “mon oeuvre”. Jamais je n’avais été autant bien perçue par ma famille, ça devait être la première fois que j’étais au centre de l’attention pendant le repas pour être comblée de louanges. Mais je n’arrivais décidément pas à m’en réjouir. Je restais silencieuse, hochant la tête avec un faible sourire à chaque compliment. Je regardais l’oeuvre de mon meilleur ami.
L’accomplissement de cette invention devait seulement nous permettre de jouer ensemble sans avoir à penser à la tâche que j’aurais été autrement incapable de finaliser seule. Mais tous ici présent s’accordaient à dire que cette invention allait révolutionner le rapport au monde des gnomes, et que moi, Simine Tournevrille, venait sans doute d’ouvrir de nouvelles possibilités pour mon peuple dans le monde extérieur. Mais ce n’était pas moi qui avait créé l’échelle-harnais.
C’était Musner qui l’avait pensé. Qui avait pris tous les bons composants. Qui avait tout assemblé avec brio et génie. Moi, je n’avais rien inventé du tout. Je m’étais juste contenté de tenir les outils au véritable ingénieur dans l’atelier : Musner Rougrenage, pas Simine Tournevrille. Pourquoi devrais-je prendre tout le crédit, quand je n’avais rien fait pour contribuer à la mise au point de cette invention ? Si mon père finissait par l’apprendre, il me renierait, car le vol était proscrit dans notre famille. Mais s’il savait qu’en fin de compte, sa fille n’avait rien apporté de plus, qu’elle avait juste accepté l’oeuvre de quelqu’un d’autre pour être tranquille pour le reste de la journée ? Pourrais-je supporter de passer ainsi de cette gloire soudaine et jamais atteinte auparavant à la déception générale de voir que non seulement j’avais une fois de plus échoué, mais qu’en plus j’avais triché ? Hélas, ma conscience et mon amour pour Musner ne me laissait pas d’autre choix... Je ne pouvais pas spolier mon ami.
- Papa, m’exclamai-je soudainement, il faut que tu prennes Musner Rougrenage comme apprenti ! Cette invention est de lui, pas de moi ! Je... j’ai accepté qu’il m’aide, parce que j’étais incapable de faire quoi que ce soit de bien. Le lapin mécanique... le sac-fusée-d’élévation-à-dos... la bombe... rien de tout ce que j’avais essayé n’a fonctionné ! Je suis désolée d’avoir menti, mais je ne supporterai pas en plus de voler ce que mon ami a inventé.
Un silence de mort s’installa à tête. Plus personne n’osa parler. Je baissa la tête, sentant les larmes couler sur mes joues. C’était dit, Musner allait obtenir le mérite qui lui revenait de droit, et moi j’allais être recalée. J’entendis confusément mes parents discuter entre eux, mes frères et soeurs me lançaient quelques paroles inquiètes mais je n’écoutais pas. Enfin, mon père finit par briser le silence :
- Simine, regarde-moi (j’obéis, non sans crainte). Pourquoi ?
- J’avais peur que tu te mettes en colère comme les autres fois, que tu me chasses de la maison parce que je ne suis pas aussi douée que vous tous. Musner voulait juste m’aider, mais vu comment son invention est importante, je ne veux pas la lui voler. Si tu dois former un nouvel ingénieur de mérite, ce sera lui, pas moi. Moi, je suis le maillon faible. Vous le savez, mais vous ne voulez pas le reconnaître.
Dustin Tournevrille ferma les yeux, réfléchissant tout en secouant la tête. Ma mère se leva pour aller me bercer et me réconforter, mais je restais sans réaction. A côté de moi, mes frères et soeurs semblaient confus et se regardaient, puis notre père, puis moi.
- Simine Tournevrille ! s’exclama alors notre géniteur. Je t’interdis sur-le-champ de dire que tu es le maillon faible de cette famille. J’ignore si tu es réellement aussi nulle en ingénierie que tu le prétend, que tu le penses, mais si c’était vraiment le cas, tes gènes t’ont offert une énorme contrepartie, qui te rend bien plus forte et précieuse que nous tous réunis.
J’ouvris de grands yeux, ne comprenant pas de quoi il voulait parler. Ce fut ma mère qui s’occupa de m’éclairer ma lanterne. Plunine Tournevrille-Flamécrou me regarda avec ses grands yeux bleus que je tenais d’elle, droit dans les miens.
- Simine, tu es une Mage. Cela fait des siècles que personne chez nous n’était né avec une telle affinité pour la magie, mais le dernier en date était un très puissant arcaniste.
- Et tu as un potentiel énorme, compléta mon père. Je l’ai vu, dans le laboratoire. La magie de feu et des explosions n’a aucun secret pour toi, et tu es capable de mettre une grande puissance dans tes sorts d’arcane et de givre. Mais ton don est mal contrôlé vu que tu n’as pas suivi d’apprentissage, c’est pour ça à mon avis que tu fais sauter toutes tes inventions.
Il avait peut être raison pour les explosions, mais ça n’enlevait rien au fait que les schémas et les notions d’ingénierie semblaient être en langue trolle (et encore, apprendre le troll c’était bien plus aisé que le binaire). Cependant, cette révélation venait de m’ouvrir plein de perspectives d’avenir. Pour moi, un Mage s’associait aux mots-clé suivants : sortilèges, amusant, mystère, et aventure. Tout à coup, j’avais cessé de pleurer.
- Il te faut un enseignement solide pour que tu puisses utiliser intelligemment cette magie. C’est pour ça que, dès demain, je vais envoyer une missive auprès des délégués du Kirin Tor à Forgefer ; tu vas partir à Dalaran pour commencer ta formation avant la fin du mois. Et lorsque ton apprentissage sera terminé, tu pourras revenir ici, en étant capable de poursuivre ta formation d’ingénieur, cette fois sans incident.
Trop heureuse de la tournure de la situation, je passais prudemment sous silence mes véritables pensées. Mon père ne pouvait toujours pas se résoudre à l’idée que je n’étais pas faite pour devenir un ingénieur gnome de renom, alors que je savais très bien que c’était impossible. Je sentais qu’il aurait des surprises lorsque j’aurais terminé mon apprentissage. Mais ça, il était encore bien trop tôt pour y songer réellement : j’allais découvrir Dalaran, la cité des sorciers ! J’allais apprendre la magie, devenir une Mage, exceller dans une discipline qui me plaisait réellement.
J’avais hâte que le voyage commence !



- Alors... Tu t’en vas, finalement ? demanda Musner avec une petite voix triste.
C’était un moment qui me resterait éternellement en mémoire, tellement il m’avait fait mal. Les adieux à mon meilleur ami ne furent absolument pas faciles, mais ils devaient être faits. J’ignorais si je reviendrais jamais à Gnomeregan.
- Oui, et je pense que ça sera pour très longtemps. J’ai envie de découvrir le monde, de pouvoir lire les meilleurs grimoires de magie jusqu’à saturation de mon cerveau. Les ateliers d’ingénieur, c’est pas mon truc.
- Je regrette vraiment de ne pas être un Mage comme toi, soupira-t-il. Je voudrais t’accompagner jusqu’à Dalaran, il paraît que c’est une belle ville.
- Mais au moins, papa va t’entrainer pour que tu puisses devenir ingénieur. Ça, c’est ton rêve de toujours, ne va pas gâcher ta chance pour me suivre... sauf si tu as vraiment envie de vivre des aventures, et là j’adorerais parcourir le monde avec toi !
Il sourit, puis nous nous serrâmes dans les bras de l’autre. Avant de nous séparer, il sortit quelque chose du gros sac qu’il avait emmené avec lui. C’était la selle-échelle.
- J’en referai un modèle, me dit-il en me le mettant dans les mains. Toi, tu en auras besoin en revanche, avec les chevaux et les béliers.
- Merci, Mus’. Je... je le garderai toute ma vie !
Nous rigolâmes un peu, puis je me retournais pour monter l’échelle placée à côté du cheval sur lequel l’émissaire Garol, un vieux gnome Mage, m’attendait. J’adressai un signe d’adieux à Musner, à mes parents et mes frères et soeurs, puis mon guide fit partir le cheval. Je serrai contre moi la selle-échelle, soudainement triste de devoir quitter ma terre natale, la ville où j’avais passé le début de mon enfance, mais je ne pleurais pas pour autant. J’avais un long voyage à faire. Je deviendrais une Mage, une exploratrice.
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