Azeroth Adventurers' Chronicles
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 Lindhe - Pour la Dame Noire

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Lil
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Lil


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Feuille de personnage
Race: Kaldorei
Classe: Prêtresse de la Lune
Occupations: Défendre, soigner

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MessageSujet: Lindhe - Pour la Dame Noire   Lindhe - Pour la Dame Noire EmptyVen 3 Oct - 16:17

La silhouette remonta l’allée, d’un pas si régulier qu’on aurait presque dit qu’elle glissait sur le sol. Elle se tenait droite, couverte de vêtements enchantés et renforcés, noirs. L’ombre n’était pourtant pas celle d’une Voleuse. La fumée rouge qui circulait autour de ses épaulières et de ses poignets indiquait clairement qu’elle était une lanceuse de sorts. Les runes d’invocation tracées le long d’un long bâton qu’elle tenait fermement précisaient encore la nature de la femme – une Démoniste.
Son visage, ses mains, sa peau semblait comme doucement fanés, étrange sensation dérangeante. Elle possédait une chevelure d’un rouge très sombre, mi-longs, rêches. Une Réprouvée, une morte-vivante. Et pourtant ! Le maintien droit, les traits, la bouche si rouge et encore charnue paraissaient crier le contraire.
Elle avança encore, suivant les tournants du long couloir. Bientôt, elle croisa des gardeffrois, vigilants protecteurs qui rectifièrent légèrement leur position à son passage. Elle y était presque.
-Arrêtez-vous ! ordonna soudain une voix caverneuse.
La morte-vivante tourna son visage vers le garde qui avait ouvert la bouche. Celui-ci voulut la regarder dans les yeux pour lui parler. Il finit par comprendre qu’il ne les verrait jamais. La Réprouvée avait barré son visage de deux larges lanières de cuir qui couvraient totalement ses orbites. Il haussa les sourcils, accentuant une déchirure dessous.
-Hrrm, la Dame Noire attend quelqu’un et ne veut pas être dérangée pour le moment. N’entrez p…
-C’est moi que la Dame attend, contra doucement la Démoniste.
Son ton empreint d’une autorité rare fit grimacer le gardeffroi. Sans attendre sa réaction, elle avança, après avoir fait claquer son bâton aux pieds du Réprouvé récalcitrant. Une gerbe de feu jaillit.
-Charmant avertissement, murmura celui-ci.
La femme avançait encore. Bientôt, elle passa sous une arcade et se retrouva devant une immense estrade. Y siégeaient et discutaient à voix basse plusieurs personnes. Soudain, l’une d’entre elles se tourna d’un mouvement rapide et avisa la Démoniste.
-Ah, Lindhe.
Lindhe s’agenouilla devant la femme qui venait de parler, l’adoration la prenant, comme toujours, à la gorge. Un corps mort qui avait dû être splendide, un regard terrible que peu osaient affronter, Sylvanas Coursevent se tenait devant elle.
-Je suis là.
-Je veux que vous alliez sur mes terres en Norfendre, Lindhe, avec un groupe qui sera bientôt prêt. Mission de surveillance basique, de vraies vacances, murmura la reine banshee. Attention aux vapeurs nocives.
Lindhe comprit rapidement le message implicite. La Société Royale des Apothicaires était bien sûr moins surveillée à l’accostage de la Vengeance, alors qu’à Fossoyeuse, effectuer la moindre opération un peu intéressante devenait impossible, par la faute des kor’krons.
-Bien, ma Dame.
Sylvanas lui adressa un hochement de tête respectueux, puis se détourna. Lindhe se releva, puis s’immobilisa soudain.
-L’ordre a été donné au vu et au su de suffisamment de gens pour que vous soyez suivis par précaution, murmura une voix bien connue dans sa tête. Je sais qui vous pistera. Tuez-le, c’est un gêneur. Je verrai ensuite par votre intermédiaire les progrès de ceux de nos amis qui sont restés dans les plaines glaciales. Mes salutations respectueuses…
La voix de Sylvanas s’évanouit comme un murmure. Lindhe frôla son visage bandé de sa main, songeuse, puis repartit tout aussi dignement, calmement. Sitôt de retour dans les longs couloirs sombres et peu sûrs, elle claqua son bâton sur le sol. Un galop se fit entendre, et elle se retourna.
Une monture arriva à sa hauteur. Un cheval originellement mort-vivant, sans aucun doute. Mais sa crinière était embrasée, ses yeux également ; il était assez impressionnant. Nul doute que la Démoniste avait adapté sa monture selon ses désirs. Elle se propulsa sur sa selle et galopa sur une assez bonne distance, empruntant ponts sculptés, escaliers humides et ruelles noires. Parvenue devant une arcade, elle passa au pas et avança lentement. On entendait un bruit de lutte sourde, de coups donnés sur le sol et de cris.
Un Réprouvé replié sur lui-même, vêtu d’une armure solide, balayait l’air devant lui d’une faux qu’il maniait avec dextérité. En face de lui, une elfe de sang esquivait toutes ses tentatives, forcée d’effectuer des figures d’acrobatie pour s’en tirer sans un coup. L’autre l’insultait, et s’interrompit en voyant la Démoniste arriver.
-Ah, Lindhe, dit-il en s’inclinant légèrement. Elle n’est bonne à rien !
-Ce n’est pas ce qui me semble.
-Regardez-la ! J’ai tout de suite su qu’on n’en ferait rien !
Il cracha sur le sol. Lindhe reporta son regard sur l’elfe. Celle-ci était un peu petite, maigre aussi. Ses bras et ses jambes étaient pourtant musclés, mais tout en longueur et en nervosité, rien de vraiment visible sous sa peau claire. Ses mains même étaient fines, comme les traits de son visage. Elle aurait pu faire très jeune, innocente, si des détails avaient mieux cadré. Sa longue chevelure, d’un noir profond et magnifique; ses yeux bordés de longs cils qui jetaient une ombre dans un regard des plus sauvages ; enfin, son expression, farouche au possible, qu’elle semblait ne jamais quitter.
Cette expression dans les prunelles… Cette volonté presque désespérée de vivre et de tenir, juste de tenir, après tout ce qu’on a subi. Lindhe la connaissait. Elle ne l’avait plus vue depuis longtemps, avant de rencontrer l’elfe… En fait, depuis que sa fille était partie, avec pour seuls bagages un bâton qu’elle lui avait taillé et une cape abîmée. Voilà le dernier regard qu’elle lui avait jeté.
-Je repars, laissa tomber Lindhe. Elle reste ici, Americ. Quand je reviens, je la veux en bonne santé et en état de me montrer qu’elle sait se battre, est-ce clair ?
Le maître de guerre grommela et hocha la tête. Satisfaite, la morte-vivante fit demi-tour et repartit au galop en direction de la surface, qu’elle atteignit en quelques minutes.
La plaine grise et quasiment morte des ruines de Lordaeron s’étalait presque aussi loin que portait le regard. Des murs écroulés, des chariots cassés, des chemins défoncés… L’herbe rase avait du mal à pousser sur une terre noircie et sèche. D’anciennes lampes abîmées qui ne pouvaient plus éclairer les reliefs ornant les vieilles pierres, des tours abattues, d’immenses statues coupées qui surveillaient le vent froid et insidieux. Lindhe se permit de laisser son regard vagabonder sur son environnement. A présent, sa vision et sa mémoire avaient l’éclat froid et incisif de l’après-mort ; mais sa mémoire de vivante n’avait pas disparu. Et elle pouvait encore se rappeler la cité vivante, chaude, colorée et mouvante, des soldats marchant en rang dans les rues, les maisons dans l’enceinte même de la ville. Si elle tournait à gauche, galopait sur une petite centaine de mètres, tournait encore à gauche puis à droite, elle arriverait devant un pilier effondré. A sa droite, avant qu’Arthas Menethil ne revienne, il y avait eu une maison.
Si ses souvenirs étaient bons, la cuisine était tout de suite à droite.
Lindhe fit pivoter sa monture. Quelle importance avait son ancien foyer ? Plus aucune cheminée ne pourrait la réchauffer. Elle avait retrouvé un endroit où vivre, et des raisons de le faire. Une raison de vivre dans la mort. Il n’y avait pas plus fort, plus transcendant que la volonté de servir Sylvanas.
« Presque », souffla une voix dans son esprit.
Lindhe l’ignora. Exercice facile pour une Démoniste habituée à écarter les chuchotis de ses invocations et sources de pouvoir.
Elle n’eut pas encore beaucoup de chemin à faire ; une petite troupe l’attendait à la porte des Ruines. Elle les salua d’un geste ample.
-Etes-vous prêts ? interrogea-t-elle.
-Absolument, ma dame, répondit un des gardes. Nous sommes à vos ordres.
Lindhe passa en tête et mit sa monture au pas ; il ne leur fallut pas plus de quelques minutes pour parvenir aux tours des zeppelins. La Démoniste descendit de sa monture et se débrouilla pour l’enfermer dans une petite pierre ronde d’invocation ; après quoi elle gravit les dizaines de marches de bois, droite, s’appuyant sur son long bâton.
-Le zeppelin arrive-t-il bientôt ? demanda-t-elle sitôt arrivée sur la plateforme en hauteur.
-Dans moins d’une minute, répondit immédiatement un gobelin en se redressant un peu.
Lindhe hocha la tête. Ils se souvenaient tous deux de la fois où il avait tenté de lui faire croire qu’il fallait payer une taxe inhabituelle pour voyager. La Démoniste n’avait pas bougé. Le gobelin non plus, mais lui, c’était plus compréhensible. Il était pris dans l’étau des bras du gangregarde qui accompagnait la Réprouvée. Depuis, il était généralement d’une exactitude et d’une amabilité exemplaires.
Il avait raison, en tout cas : bientôt derrière la cime des arbres se dessina la silhouette gonflée et mouvante d’un zeppelin. Mauve sombre, fumant, les cordes craquantes et le plancher incliné, il s’arrêta finalement devant les Réprouvés, qui montèrent dedans, remplaçant deux elfes de sang qui en descendaient – dont un au teint un peu verdâtre.
Lindhe paya comptant à une gobeline qui s’inclina avant de filer voir ce qui produisait autant de fumée à l’arrière.
-Je te l’avais bien dit, Krickly ! s’exclama-t-elle. Si tu débranches la corde de sécurité rouge pour accélérer la manœuvre B46, ça fait disjoncter le panneau D et voilà le résultat !
-Mais ça avait bien fonctionné la dernière fois ! protesta son collègue en agitant un outil étrange.
-Ça oui, on était allés plus vite… Tellement vite qu’on a pas vu la montagne passer…
-Ah, tu vois !
-On l’a sentie, par contre, contra le gobeline en l’écartant. Laisse-moi réparer tout ça avant que je ne doive rembourser les passagers.
La Démoniste haussa un sourcil en entendant le dialogue, tandis qu’un des Réprouvés dans le rang ne put retenir un léger gloussement caverneux. Elle salua les deux morts-vivants de garde sur le zeppelin qui lui rendirent son salut d’un air encore plus fatigué et avachi que d’habitude.
A part le fais que le panneau D sembla imploser pour de bon en plein vol et que le capitaine enseigna quatre ou cinq jurons de plus à un équipage pourtant déjà instruit, le voyage se passa relativement bien.
En descendant du zeppelin, Lindhe fit passer les gardes devant elle et avança en dernier. Il lui fallut plusieurs secondes pour le repérer. Là, et là encore.
Un mouvement flou dans l’air, un murmure dans les rangs, un soupir dans le vent si froid du Norfendre. Nul doute que la personne qui les suivait était un Voleur. Mais Lindhe avait toujours eu l’œil assez exercé pour repérer la plupart des Voleurs – au grand dam de ceux-ci. Elle identifia un orc avant même de finir d’invoquer sa monture.
Surprenant sa troupe, elle partit au galop dans la direction opposée aux bâtiments Réprouvés. Obéissants, ils la suivirent ; bientôt, ils furent à quelques centaines de mètres du lieu de l’accostage. Alors, Lindhe descendit de sa monture.
Les gardes qui arrivaient en courant se jetèrent à terre sitôt qu’ils la virent. Un seul ne fut pas tout à fait assez rapide, mais seule la pointe de son casque fut éraflée par la formidable flamme noire qui jaillissait de la main gantée de la Démoniste.
Cette dernière eut une légère moue en voyant que son attaque avait été esquivée par sa cible. Il fallait pourtant à tout prix l’éliminer avant qu’une quelconque alerte ne soit donnée. Elle frappa le sol de son bâton, traçant de celui-ci un large cercle qui flamboya bientôt d’une lueur violette. Un éclair plus tard, une créature apparaissait ; personne n’eut de mal à reconnaître une succube. Lindhe indiqua négligemment l’orc, et la démone eut un petit rire en filant.
Le voleur dut sortir de l’ombre pour se défendre contre la créature ; après lui avoir enfoncé un poignard dans le ventre, il se jeta sur le côté et dégaina deux couteaux. Les Réprouvés comprirent rapidement de quoi il retournait et l’encerclèrent. Il était perdu.
-Pourquoi ? cria-t-il vers Lindhe. Que cache Sylvanas à son chef de guerre ?
La Démoniste ne lui répondit pas. Elle ordonna à sa succube de reculer, et brandit ses mains illuminées d’un feu noir et vert. Elle plia lentement les doigts, et l’orc poussa un cri. De son torse jaillit un mince filet vert crépitant qui rejoignait la main avide de la Réprouvée. Il tenta de courir, s’affaissa. Un des gardes dégaina une lame courte et ne fit pas de quartier.
Lindhe avisa sa succube blessée et redirigea le faisceau lumineux vers elle ; il changea de teinte, et la plaie sanguinolente se referma. Elle la chassa rapidement et brûla sans états d’âme le Voleur décapité au sol.
Le retour à l’accostage de la Vengeance se fit dans le silence. Il n’y avait pas besoin de mots. A la ferveur du murmure « pour Sylvanas » de la troupe, Lindhe se tranquillisa et rentra sans hésiter dans un bâtiment où elle réserva une chambrette.
Elle baissa les yeux et s’assit en tailleur contre un mur. Elle déposa son bâton devant elle, se redressa et respira profondément. Puis elle attendit.
Moins de vingt minutes plus tard, une voix froide, majestueuse et claire comme du cristal résonna dans son crâne.
-Salutations, Lindhe.
-Je vous salue, majesté, répondit la Démoniste sans ouvrir la bouche.
-Tout s’est-il bien déroulé ?
-A l’heure qu’il est, le vent charrie des cendres.
-Très bien, je vous en remercie. Le garde Nockle a sur lui un parchemin écrit en eredun. Hurlenfer exècre tant les Démonistes qu’aucun d’entre eux ou presque ne lui est plus attaché, et il n’a donc pas vraiment de personne à portée de main pour le traduire au cas où il aurait fini par s’en emparer.

Lindhe sourit et salua mentalement l’intelligence de la reine banshee.
-Je le traduirai et le transmettrai à qui de droit, formula-t-elle dans son esprit.
-Je savais que vous comprendriez.
La voix de la reine s’évanouit finalement, et la Démoniste se releva avant de partir à la recherche du garde en question ; Nockle était avec les autres à l’auberge, et il lui tendit un rouleau scellé sans poser de questions.
Il fallut moins d’une heure à Lindhe pour traduire le rouleau en entier. Certains termes lui demeuraient obscurs car concernaient des pratiques pointues d’alchimie, mais quand elle se rendit auprès de l’apothicaire dans une salle maintenue secrète grâce à des enchantements, celui-ci ne fit pas beaucoup de difficultés.
-Enfin ! exulta-t-il en explorant les lignes de l’écriture fine de son interlocutrice. J’ai toutes les données ou presque, maintenant.
Lindhe sentit tout à coup comme une seconde respiration par-dessus la sienne, comme un voile devant ses yeux, comme un regard braqué sur elle, un écho interne. Sachant ce que cela signifiait, elle s’appliqua à regarder en détail la pièce, et toute la scène, afin de bien retranscrire à Sylvanas tout ce qu’elle voyait, par l’intermédiaire de ses propres yeux.
-Finn’ ! cria l’apothicaire sans lâcher le parchemin.
Une étagère pivota, et un troll aux yeux cernés entra. Lindhe haussa les sourcils. Le troll la salua et se tourna vers le chimiste.
-On a de quoi être occupés, sourit le Réprouvé en levant la tête.
-J’espère, mec, parce que je suis pas là pour prendre des vacances ou pour te voir faire des expériences horribles, gronda le troll.
Lindhe avisa les couleurs bleu clair du vêtement de l’arrivant, ainsi que le discret motif en forme de cible tiki cousu sur une épaule. Très lentement, il cligna de l’œil dans sa direction. La Démoniste lui adressa un hochement de tête et ressortit ; elle sentit l’esprit de la Reine banshee quitter le sien.
-Je ne peux pas rester là oisivement, murmura-t-elle.
Elle rassembla une trentaine de gardes, qui ne firent aucune difficulté pour la suivre une fois qu’elle eut ostensiblement remis en place un médaillon que lui avait offert la Dame Noire.
-Où allons-nous ? interrogea un Réprouvé armé d’une longue épée.
-Patrouiller sur les terres de la Reine, répondit tranquillement Lindhe. Nous irons jusqu’au Temple de l’Accord du Repos du Ver. Pour la traversée de grands territoires, nous utiliserons un transfert général, n’est-ce pas ?
Un Mage Réprouvé s’inclina. Hochement de tête général. La Réprouvée resta sur sa monture, au pas.
La marche dura plusieurs jours et se fit en silence. Ils ne firent que trois transferts en tout, arrêtant les quelques rares voyageurs qu’ils croisaient pour les interroger. Le seul humain qui passait vit la mort de près, mais avant que les Réprouvés ne puissent l’attaquer, il cria quelque chose et la gnome qui marchait à son côté sauta. Un bond de plusieurs mètres de hauteur, qui en une explosion la transforma en un drake couleur bronze ; l’humain se débrouilla pour sauter sur son dos, et ils filèrent, non sans que le drake eut lancé un jet de flamme vers le sol.
-C’est assez bon signe, commenta Lindhe tranquillement, nous approchons.
-Dame ? intervint le Mage. Un groupe semble venir par la gauche.
-Tout un groupe ? répéta la Démoniste en passant sa monture au galop.
Dès qu’elle vit ce dont parlait le mort-vivant, elle s’arrêta net.
Un groupe en effet. Des dizaines de personnes, de toutes races et qui, à première vue, n’avaient strictement rien à faire ensemble. Lindhe plissa les yeux. Que venaient donc faire ensemble tous ces gens ? Des Volontaires de l’Accord, peut-être ?...
Une Elfe de la Nuit, une humaine, un homme, un troll, une Elfe de Sang, une autre aux yeux rougeoyants, une gnome… La Démoniste cessa rapidement son analyse ; les gardes se déployèrent autour d’elle en une corolle protectrice.
Soudain, l’air froid qu’elle inspirait sembla se bloquer dans sa gorge. Le monde entier vacilla, et tout devint flou, sauf ce qu’elle venait de voir, là, derrière tous ces gens dont elle n’avait que faire.
Par la Dame, comment, comment était-ce possible ?
Une jeune femme accompagnait le groupe, un peu en marge. Elle avait une peau blanche, des cheveux très noirs coupés au carré au niveau du menton, lui donnant une allure sévère. Elle n’était pas bien grande, assez mince, couverte d’une robe bleu clair et noir et d’une cape chaude. Elle tenait entre ses mains un bâton solide et noueux. Le bâton avait une petite entaille au niveau du pommeau. Lindhe le savait bien, c’était elle qui l’avait faite.
Les yeux de la jeune humaine étaient d’un bleu-vert immensément lumineux et fascinant. La Réprouvée passa rapidement une main squelettique sur les bandes de cuir qui cachaient les siens, absolument identiques.
Par tous les Dieux et les Démons de l’univers, mais que faisait donc sa propre fille sur les terres gelées du Norfendre, entourée d’une troupe armée ? Lindhe ne pouvait plus détacher son regard du visage figé de l’humaine, qui semblait vouloir esquiver la vision de sa mère.

-Leindhe ! Regarde-moi quand je te parle !
La fillette releva les yeux, ses petites mains anxieusement refermées sur un morceau de verre.
-Je t’avais bien dit de ne pas jouer avec le vase, morigéna sa mère. Lâche ça, tu vas te couper, ma chérie.
La petite obéit, et la femme derrière elle la souleva de terre pour la prendre dans ses bras et la regarder. Les prunelles turquoise se rencontrèrent ; la mère frotta le bout de son nez contre celui de sa fille.
-Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? sourit-elle.
-Dénonite ! cria la fillette avec ravissement.
-Dynamite ?
-Naaan, Dé-mo-nite, articula avec soin la petite en attrapant une mèche carmin de la chevelure de sa mère.
-Démoniste, comprit la femme dans un murmure.
-Voui, sourit sa fille en cachant son visage dans son cou. Ferai du feu aussi. Comme ça pas froid et méchants plus là.
La femme réprima à grand-peine un sourire.
-On en reparlera, ma puce, d’accord ? Ce n’est pas à l’ordre du jour !


Lindhe reprit une inspiration tremblante, mais sa mémoire lui jeta un autre souvenir, comme une gifle brûlante, au visage.

-Nostrad ! Nostrad ! NOSTRAD ! NON !
Le cri de la Démoniste se transforma en un hurlement de terreur et de désespoir pur, un aigüe déchirant qui n’empêcha pas la goule immense, à vingt mètres de là, de balancer négligemment un homme aux cheveux châtain contre une poutre enflammée. Son cou craqua, et le corps s’affaissa. Aussi simplement que ça.
-NOSTRAD ! Non ! hurla de nouveau la femme, des larmes noires coulant sur son visage. NON !
Sa robe orangée sombre était toute déchirée, elle était pieds nus et des brûlures ornaient sa peau normalement si blanche. Sa chevelure teinte en rouge sombre s’agitait en mèches folles autour de son visage ravagé par les larmes. Du sang séchait sur sa jambe droite.
Elle brandit ses mains droit vers le ciel et puisa tant dans les réserves d’énergie qu’elle effleurait d’habitude à peine qu’elle en eut le tournis. Des milliers de voix vinrent lui chuchoter des promesses de gloire et de mort à l’oreille. Lindhe ne les écouta pas. Elle déchaîna totalement ses pouvoirs.
Une tornade rouge et noir, brûlante et hurlante, déferla de ses mains. La flamme gangrenée à l’état brut engloutit complètement la goule aperçue plus tôt, les cadavres d’hommes à terre, deux squelettes plus loin et un cadavre en cours de réanimation derrière elle. Ses paumes, pas du tout habituées à ce traitement, la firent crier de douleur ; mais elle ignora encore la souffrance. Dans son esprit noyé par le chagrin et la peur, une image surmonta ses angoisses. Elle avisa un pilier de pierre, se précipita au milieu des cadavres. Elle passa la porte, se rattrapant à une table défoncée quand elle faillit s’effondrer. Ne pas penser au nombre de fois où elle avait servi le dîner à Nostrad et Leindhe sur cette table. Courir.
Elle jaillit dans la pièce voisine, où une enfançonne était blottie dans un coin, les yeux écarquillés de terreur ; une créature d’ombre bleutée démoniaque se rapprochait lentement d’elle.
-Maman ! cria la petite d’une voix affaiblie.
Lindhe ne fit pas dans la dentelle. Elle avait envoyé  une de ses invocations pour protéger son enfant, mais visiblement, celle-ci estimait que le chaos ambiant qui s’était emparé de Lordaeron lui permettait de faire n’importe quoi. La Démoniste épuisa complètement ses ressources en l’éliminant d’une rafale de feu, mais put enfin prendre son enfant dans ses bras. Son courage lui revint ; la chaleur et les pleurs soulagés de la petite, qu’elle serrait contre sa poitrine, lui donnèrent la force de sortir en courant rejoindre la masse d’humains qui fuyaient, au loin, l’avancée terrifiante de ces monstres morts-vivants sortis tout droit de leurs pires cauchemars.


-On ne cherche pas de querelle, Réprouvés. Laissez-nous passer sans incident, et il n’y aura pas d’effusion de sang.
La voix forte et assurée du troll ramena la Démoniste à l’instant présent. Elle n’était pas dans une ville ravagée par la mort, elle était dans une plaine blanche de glace et de neige, l’ancien domaine de celui qui avait fait de Lordaeron une immense ruine.
-Quelle est votre direction ? lança-t-elle d’une voix qu’elle espérait aussi neutre et glacée que d’habitude.
Le troll face à elle était armé de deux grandes dagues, et son corps tout de longs muscles agiles laissait présager de sa classe.
-Nous serons obligés de faire un rapport, maître Voleur, vous êtes sur un territoire de la Dame Noire, ajouta-t-elle.
Elle avait visiblement vu juste, puisque le troll ne répliqua pas.
-Si ça vous amuse. Nous allons seulement au Temple du Repos du Ver.
-Motif ? répondit-elle immédiatement par réflexe.
- Allons, on ne va quand même pas devoir afficher toutes nos activités sur un mur. Et ce serait dommage de devenir ennemis quand on a tous envie de voir la tête d’un certain «bouffon à tête d’ogre» empalée sur nos piques, n’est-ce pas ?
Quelques Réprouvés ricanèrent autour d’elle. Décidément, Garrosh Hurlenfer ne se préparait pas de bons jours, songea Lindhe. D’un geste, elle ordonna la division de la troupe ; seuls quelques gardes restèrent avec elle. Le Mage Réprouvé s’éloigna avec les autres pour les ramener, sans doute, plus discrètement à leur base.
La Démoniste reporta son attention, malgré elle, sur le visage de l’humaine qui la regardait toujours. Cet air glacial et bouillant à la fois qu’elle discernait n’était rien, elle aurait dû s’y attendre ; elle le connaissait pour voir un autre assez ressemblant depuis quelque temps. Elle avait condamné sa fille à une vie des plus déchirantes – et pourtant, elle avait toujours fait de son mieux, non ?...
Dans son esprit, l’image de la Dame Noire se forma. Sylvanas Coursevent, voilà pourquoi elle était encore là. Sa loyauté et sa dévotion n’avaient pas d’égal envers la reine banshee ; et pourtant.
Ce visage blanc, encadré de cheveux noirs, encore si jeune, si proche et si inaccessible, brisa le cœur mort de la Démoniste. Leindhe était tout ce qui lui restait de cher en ce monde. Pour Sylvanas, elle aurait fait tout son possible ; pour sa fille, elle aurait absolument tout tenté, elle le savait.
La Reine, pourtant, le savait également.
Que Lindhe pouvait-elle lui cacher ? La reine banshee connaissait son secret, cette enfant que la Démoniste s’était acharnée à protéger et à aimer même dans la non-mort, avant de rejoindre enfin les rangs de ses semblables. Mais la Dame Noire l’avait autorisée, à demi-mot, à la garder. Elle savait ce que signifiait tout perdre. Elle n’avait pas repoussé sa meilleure arme dans ses ultimes retranchements.
Parfois, au fond de son âme, Lindhe se demandait si les murmures selon lesquels Sylvanas changeait lentement mais sûrement n’avaient pas raison. La Démoniste ne pouvait s’empêcher de se le demander : si ç’avait été aujourd’hui qu’elle avait rejoint les Réprouvés, la Dame aurait-elle émis le même avis concernant sa fille vivante, humaine ? Il était été plus probable qu’elle aurait ordonné sa mise à mort pour prouver l’allégeance de Lindhe à sa cause… Elle repensa à l’elfe de sang, sur qui elle avait encore un pouvoir – une possibilité d’annuler ce qui se profilait à l’horizon pour elle…
C’est fini, se répéta la morte-vivante. C’est ainsi.
Elle repoussa, fermement, son envie de presser sa fille contre elle, de s’inquiéter, de la protéger, de voir comme elle avait grandi, jusque dans les limbes de sa mémoire de vivante, où ces images et ces pulsions maternelles avaient leur place.
-Je vous escorte, lança-t-elle avant de se détourner.
Elle ferma, une courte seconde, ses yeux lumineux, invisibles sous les bandes de cuir, puis se redressa. Pour la Dame Noire, à jamais.
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